Une terre
Qu’est-ce que peindre en couvrant la surface d’une matière remuée ? Qu’est-ce que peindre en faisant venir la peinture par une multitude de glacis de couleurs pures ? Qu’est-ce que peindre en faisant se lever la complexité et l’entrelacs des substances ? Sans doute est-ce se livrer à la richesse et la subtilité du pictural mais plus encore s’enfoncer, avec lui, sous une écorce faite de géologie et de profondeur. Stéphane Braconnier peint cela : le beau milieu de la terre. Avec lui, le regard fouaille et creuse. Le pinceau, les mains travaillent une argile, soulèvent des pans, des mottes. La surface se défait, se recompose sous leur action.
J’ai parfois le sentiment d’y voir un terrain cerclé, toujours semblable, que la peinture creuse, bouge jusqu’à « tutoyer » la sculpture, comme si tout l’espace se jouait dans ce paysage que nous découvrons quand, couché au sol, nos yeux se perdent dans un cosmos de grains, d’herbes, de cailloux que nos yeux découvrent ou, plus encore dans une coupe que la lame d’une charrue, le fer d’une pelle offre au regard qui, hors échelle, découvre un monde.À contempler les tableaux de Stéphane Braconnier, j’ai souvent pensé à ce moment utopique où le mort livré à la terre ne s’abandonne plus à ses fins mais, enfoui en ce sol recelant la fertilité, inverse le cours, ouvre à nouveau les yeux pour basculer une fois encore dans le vivant, en une addition infinie d’entités minuscules qui brillent et se déplacent obscurément. Cet étonnant mouvement d’inversion construit son oeuvre.
L’accumulation et la dissolution s’y échangent nous entraînant dans un perpetuum mobile. Ainsi ne faut-il pas voir de hasard à ce que cette « terre » sombre soit relevée, accrochée au mur, face à nous, devenant, par là, pleinement peinture.Précédemment mêlés à la substance nous nous en détachons pour observer la lumière qui passe d’un point à l’autre, le très grand nombre de couleurs qui emporte de couche en couche, le cercle tournant sur lui-même. Peu à peu, à travers ce mouvement naît le sentiment d’une totalité supposée, une totalité mobile que l’oeuvre cherchait dans la glèbe et qu’elle guette désormais en une nuit infiniment peuplée.
Voilà la terre lancée au ciel, l’une à l’autre semblable en la peinture qui matériellement mesure l’incommensurable de cet espèce auquel le tableau s’affronte.
En son origine la peinture n’a devant elle que la substance d’un noir qu’elle change au pas à pas, lentement, dans le temps : « maintenant », « un jour », « souvent », « bientôt » écrit le peintre… Afin que, devant nous, le réel de notre espace se manifeste, par elle dévoilé, traversé, sans cesse.
J’ai parfois le sentiment d’y voir un terrain cerclé, toujours semblable, que la peinture creuse, bouge jusqu’à « tutoyer » la sculpture, comme si tout l’espace se jouait dans ce paysage que nous découvrons quand, couché au sol, nos yeux se perdent dans un cosmos de grains, d’herbes, de cailloux que nos yeux découvrent ou, plus encore dans une coupe que la lame d’une charrue, le fer d’une pelle offre au regard qui, hors échelle, découvre un monde.À contempler les tableaux de Stéphane Braconnier, j’ai souvent pensé à ce moment utopique où le mort livré à la terre ne s’abandonne plus à ses fins mais, enfoui en ce sol recelant la fertilité, inverse le cours, ouvre à nouveau les yeux pour basculer une fois encore dans le vivant, en une addition infinie d’entités minuscules qui brillent et se déplacent obscurément. Cet étonnant mouvement d’inversion construit son oeuvre.
L’accumulation et la dissolution s’y échangent nous entraînant dans un perpetuum mobile. Ainsi ne faut-il pas voir de hasard à ce que cette « terre » sombre soit relevée, accrochée au mur, face à nous, devenant, par là, pleinement peinture.Précédemment mêlés à la substance nous nous en détachons pour observer la lumière qui passe d’un point à l’autre, le très grand nombre de couleurs qui emporte de couche en couche, le cercle tournant sur lui-même. Peu à peu, à travers ce mouvement naît le sentiment d’une totalité supposée, une totalité mobile que l’oeuvre cherchait dans la glèbe et qu’elle guette désormais en une nuit infiniment peuplée.
Voilà la terre lancée au ciel, l’une à l’autre semblable en la peinture qui matériellement mesure l’incommensurable de cet espèce auquel le tableau s’affronte.
En son origine la peinture n’a devant elle que la substance d’un noir qu’elle change au pas à pas, lentement, dans le temps : « maintenant », « un jour », « souvent », « bientôt » écrit le peintre… Afin que, devant nous, le réel de notre espace se manifeste, par elle dévoilé, traversé, sans cesse.
Olivier Kaeppelin